© Helena Vicario
Il n’y a plus rien à la Croix.
Plus d’illusion, plus de rêves, plus d’attentes. Plus rien.
Plus rien chez les disciples qui en veulent peut-être au mort de ne pas avoir su porter la vie qu’ils voulaient pour lui. Les disciples qui ont peur, peur de ce vide qui les traverse, ils ont froid, ils sont seuls, ils ont suivi une voix, ils ne l’entendent plus. Le silence qui gronde, tout proche, cherchant le chemin de leur cœur.
Jésus, lui, ne fait que regarder.
Regarder Pierre qui l’a trahi. Regarder l’absence douloureuse de ses disciples au pied de la croix. Regarder ses tortionnaires qui se moquent de lui. Cela aurait été si simple de dévier le regard ou tout simplement de fermer un peu les yeux. De ne pas voir dans cette humanité qui grouille à ses pieds, ces brebis qui cherchent désespérément un berger, un bouclier contre leur propre violence.
Mais Jésus continue de les regarder, de les confier au Père.
Car il sait lui qu’on peut tout ôter à une personne, tout lui voler, tout saccager, excepté son abandon dans la confiance. Qui peut ôter à un enfant le réflexe de se réfugier dans les bras de sa mère ? Même son absence ne le peut pas. Et c’est accroché à cet abandon, bien plus que rivé sur la Croix que Jésus affronte la violence : « Père, je remets mon esprit entre tes mains »
Quand ces paroles s’inscrivent au cœur de l’obscure histoire de l’humanité, jaillit la certitude profonde que Dieu n’est pas celui qui abandonne, mais celui qui recueille l’être qui s’abandonne à lui et en fait un roi, resplendissant de gloire.
Dénouer les nœuds de la violence, dénoncer sa stérilité mais aussi son incapacité à détruire ce qui importe le plus : la fragilité de la vie, tel est le message de la Croix pour aujourd’hui.
Helena Vicario, pour Paroles protestantes n°435, Avril 2019