N'avons-nous pas à la fois besoin de marcher dans un univers structuré et balisé et d'avancer avec audace au souffle de Dieu dans la confiance ? Entre foi et loi ?
Pourtant Paul affirme, dans le chapitre 3 de l'épître aux Galates, qu'on ne peut faire cohabiter les deux régimes à la fois.
Moïse et les tables de la loi, Rembrandt, 1659
Qu'est la loi dans Galates 3 ?
Paul évoque «ce qui est écrit dans le livre de la loi» (v.10) ou cite des versets du premier Testament pour illustrer l'impasse dans laquelle la loi mène. La loi désigne les commandements éthiques mais aussi rituels comme la circoncision qui figurent dans le Premier testament. C'est donc de l'appartenance au peuple de l'alliance qu'il s'agit ici, telle qu'elle est organisée par la Torah.
Du temps de la loi au temps de la foi
La loi a été donnée pour un temps. Reliée aux notions de transgression et de péché (v. 19 et 22), elle a organisé la vie, elle a balisé un chemin, elle a été comme «un surveillant», un pédagogue pour reprendre le terme grec, pour aider à vivre devant Dieu. Le pédagogue antique était un esclave qui prenait soin d'un enfant non pour l'éduquer et l'instruire mais pour le garder et veiller à ce qu'il suive le programme de jeux, de leçons et d'obligations prévus. Il l'accompagnait jusqu'à sa majorité. Ainsi la loi a été présente jusqu'à Jésus-Christ. Mais, en Christ, ce temps de «gardiennage» est terminé : nous recevons l'Esprit, nous sommes fils de Dieu en Jésus-Christ.
Pourquoi ne peut-on être de la foi et de la loi ?
Ajouter la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à la structuration apportée par la Loi, n'est-ce pas ce que les Galates aimeraient faire ? Mais Paul démontre par l'absurde une telle cohabitation des deux références. D'abord, la loi elle-même ne cherche pas à faire vivre comme elle le souligne elle-même par exemple dans l'impossibilité de sa stricte et totale observance (v.10). De plus, en déclarant maudit ceux qui sont pendus au bois, elle en vient à dénoncer le Christ comme une malédiction pour nous. Démonstration par l'absurde. Soit on applique la loi et Jésus n'est pas le Christ ; soit Jésus est le Christ, et sa résurrection après sa mort pendu au bois témoigne de la fin de la loi.
Toute la compréhension de la vie religieuse en est alors modifiée. Ainsi la figure centrale de Moïse dans le premier Testament, qu'on peut dans doute discerner derrière celle du médiateur par lequel a été promulguée la loi, se retrouve reléguée derrière celle d'Abraham, défini comme l'homme de foi. Bouleversement radical. De plus, la structuration même de la société se trouve interrogée : les séparations entre juifs et grecs, entre hommes libres et esclaves, qui organisaient la société de l'époque sont remises en cause. Même la distinction entre hommes et femmes – en grec, il s'agit de mâle et femelle, dans une formulation qui n'est pas sans rappeler le premier chapitre de la Genèse – n'est plus opérationnelle en Christ. Le monde n'est plus segmenté et réparti selon des catégories reconnues mais s'ouvre à la rencontre dans une nouvelle fraternité.
Portés par la promesse
Lorsque Paul oppose ceux des œuvres de la loi à ceux de la foi (v.9-10), il s'intéresse à la question de l'origine pour nous faire habiter dans l'identité de «fils de Dieu en Jésus-Christ» (v.25), «descendance d'Abraham, héritiers selon la promesse» (v.29). C'est la source de notre vie qui est interrogée dans le débat théologique entre foi et loi : d'où venons-nous ? D'où tirons-nous l'essence de nos vies ? D'où parlons-nous ? Sur quel fondement nous appuyons-nous ?
Par-delà la loi, en amont de sa promulgation, l'apôtre rattache «ceux de la foi» à Abraham. Le lien avec le premier Testament est noué en Jésus-Christ dans l'accomplissement de la promesse faite à Abraham et non plus dans la pratique de la loi. Il reste maintenant à vivre, sans la pédagogue qu'était la loi, comme des adultes, héritiers selon la promesse, c'est-à-dire pleinement actifs et responsables, portés par le souffle de Dieu.
Laurence Berlot et Odile Roman-Lombard
service régional d'animation biblique