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L’épée soit avec vous !

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(panneau central du retable de Beaune, Le jugement dernier, 
Rogier VAN DER WEYDEN 1443/52)

« Je ne suis pas venu apporter la paix mais l’épée. »

Quelle parole provocante de Jésus ! Ce n’est pas ce que nous aimons entendre. Elle semble justifier ceux qui pensent qu’il y a dans la Bible trop de contradictions pour la trouver crédible. En effet, comment comprendre cette phrase, alors que nous avons plutôt dans nos mémoires : «La paix soit avec vous» ou «Va en paix» ? Cette parole se trouve dans l’évangile de Matthieu 10,34-35, et nous en trouvons une autre version en Luc 12,51-53. 

À la suite de cette parole, l’auteur de Matthieu cite un passage du prophète Michée 7,6 : «Le fils traite son père de fou, la fille se dresse contre sa mère, la belle fille contre sa belle-mère, chacun a pour ennemis les gens de sa propre maison». Le contexte de cette parole de Michée est le procès de Dieu contre son peuple, à cause de son infidélité et de son injustice : «Le fidèle a disparu du pays, plus de justes parmi les hommes…»

En Matthieu, la constatation d’un désordre se transforme en un acte volontaire de Jésus : «Je suis venu séparer…» Dans quel contexte se situe cette parole ? 

Un contexte de violence

Nous pouvons le comprendre à partir de deux angles différents. En se plaçant du côté des lecteurs de Matthieu, on comprend qu’ils subissent des persécutions. Ce que vivent les chrétiens des premières communautés peut paraître paradoxal vis-à-vis du message de paix et d’amour de Jésus. Les structures sociales sont ébranlées, et les solidarités les plus fortes comme celles de la famille sont remises en cause. La paix qu’annonce Jésus est d’un autre ordre.

L’auteur, lui, place cette parole de Jésus dans le contexte de l’envoi des disciples en mission. Il les prévient que la bonne nouvelle du Règne qui s’approche n’est pas un message fade et superficiel, ce n’est pas une paix facile, mais au contraire un message exigeant qui remet en question les structures sociales et place les disciples dans la position d’être “comme des brebis au milieu des loups”. Et cela donnera lieu à des réactions violentes. Même un père peut livrer son enfant au tribunal (10,21) !

Pourquoi une épée ?

Quand Jésus sépare, c’est en prenant l’image du glaive, de l’épée. On retrouve cette image à plusieurs reprises pour parler de la parole de Dieu : “Vivante en effet est la parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu’aucun glaive à double tranchant, elle pénètre jusqu’à diviser âme et esprit, articulations et moelles. Elle passe au crible les mouvements et les pensées du cœur » (Hébreux 4,12). La division n’est plus au sein des structures familiales mais au sein même de la personne. En Éphésiens 6,17, cette parole est une arme dont le chrétien doit se munir : «Recevez enfin (…) le glaive de l’esprit c’est-à-dire la parole de Dieu». Cela illustre la façon dont les disciples sont équipés pour transmettre la bonne nouvelle.

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(page titre de la “Bible de l'épéeversion Olivétan révisée 1550)

Cette parole, Jésus l’a transmise, mais il était lui-même cette parole par toute sa vie. Il l’a vécue de façon parfaitement cohérente. Il n’hésitera pas lui-même à mettre à bonne distance sa propre famille, en prenant comme critère de reconnaissance “ceux qui font la volonté de mon Père” (Matthieu 11,50).

Une voie libératrice

Les choix qu’implique une vie chrétienne entraîne souvent des tensions familiales avec les plus proches. Luther lui-même n’avait-il pas assumé ses propres choix contre l’avis de son père ?

Cette phrase peut être un ferment dans notre contexte d’aujourd’hui. En effet, elle n’est pas le signe d’une malédiction qui doit arriver, mais plutôt le constat qu’un engagement à la suite du Christ demande une certaine exigence. La séparation dont parle Jésus peut se faire au cœur de ce qu’on a de plus cher, mais dans un sens libérateur. Parfois, il faut donc préférer une parole percutante, et dérangeante, au confort de la superficialité. Dire notre foi aujourd’hui rencontre des résistances, n’est-ce pas une invitation au courage ?

Laurence BERLOT 

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(l'article ci-dessus est paru dans Paroles Protestantes en mars 2012)

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En lien avec cette article, lire : 

 Le père, la jeune fille et la mort

 Caïn et Abel

 Violence des hommes – Violence de Dieu 

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L'arrestation du Christ, DUCCIO (1308/11, Maestà de Sienne)


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