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La vie est chair !

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(L'apôtre Paul en prison, REMBRANDT van RIJN)

Dans le langage courant, les “plaisirs de la chair” ou le “péché de chair” renvoient à la luxure. Mais que recouvre ce mot “chair” dans la Bible, et particulièrement chez Paul où il devient une notion théologique et anthropologique majeure ?

La condition humaine

Dans la Bible hébraïque, le mot bâsâr peut désigner la viande ou bien une créature vivante. Dans ce second sens, la chair n'est jamais méprisée ni dévalorisée, elle est simplement la condition dans laquelle tout vivant existe. Il n'y a pas de chair sans vie, ni de vie sans chair. L'une et l'autre forme une entité homogène, un être vivant.

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(Le mot bâsâr, “chair” en hébreu)

Logiquement, la chair est aussi la marque de la vulnérabilité que l'humain partage avec toute créature. Le mot chair en vient donc à exprimer les limites de la condition humaine : "Toute chair est comme l'herbe ... et l'herbe se dessèche...” proclame Esaïe (40,6 ; voir aussi Genèse 6,3 ; Psaumes 78,39).

En grec, “chair” se dit sarx et, dans ses lettres, Paul emploie parfois ce mot dans le sens qui vient d'être évoqué : “ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi du Fils de Dieu” (Galates 2,20 ; voir aussi “une maladie dans ma chair” en 4,13). Mais l'apôtre fait aussi de ce mot sarx un concept essentiel opposé à l'Esprit (pneuma).

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(Le mot sarx, “chair” en grec)

Le régime de la chair

——... si vous vous mordez,
——si vous vous dévorez les uns les autres,
——prenez garde
——de ne pas être détruits les uns par les autres.
——Je dis plutôt : marchez par l'Esprit,
——et vous n'accomplirez pas ce que la chair désire.
——Car la chair a des désirs contraires à l'Esprit,
——et l'Esprit en a de contraires à la chair ;
——ils sont opposés l'un à l'autre,
——de sorte que vous ne faites pas ce que vous voudriez. ”
————————————————(Galates 5,15-17)

Dans son opposition entre la chair et l'Esprit, Paul ne reprend pas l'anthropologie platonicienne avec sa compréhension dualiste de l'humain “corps et âme” ; l'âme étant vue comme une étincelle divine et immortelle prisonnière d'un corps matériel et mortel. La compréhension de Paul est bien différente : conformément à l'anthropologie dominante dans la Bible hébraïque, il conçoit l'humain comme une unité. Pour l'apôtre, la division est ailleurs, elle n'est pas affaire de distinction entre le corps et l'âme, le matériel et l'immatériel. La division qu'introduit Paul concerne la dynamique selon laquelle chacun mène son existence. L'humain, “corps et âme”, peut vivre soit “selon la chair”, soit “selon l'Esprit”.

Ainsi, “selon la chair” désigne pour Paul, une façon d'être qui refuse les limites de la condition humaine. Ce refus s'exprime par une soif de puissance ou une logique de compétition destructrice qui n'ont d'autre but que le rejet illusoire de la condition de créature. Et cette façon d'être, ce régime de vie, conduit souvent à l'instrumentalisation ou à la négation de l'autre.

Ce que la chair désire” va donc bien au-delà de ce qui est communément compris comme luxure. Ainsi, dans la liste “des œuvres de la chair”, les comportements mauvais concernant le corps sont moins nombreux que les autres, parmi lesquels : l'idolâtrie, les hostilités, les disputes, les passions jalouses, fureurs, ambitions personnelles, divisions et dissensions... (Galates 5,19-20).   


Le régime de l'Esprit

—— ... Ceux qui sont au Christ ont crucifié la chair
——avec ses passions et ses désirs.
——Si nous vivons par l'Esprit, marchons aussi par l'Esprit.
——Ne soyons pas vaniteux, nous provoquant les uns les autres,
——et nous enviant les uns les autres.
————————————————(Galates 5,24-26)

A l'opposé de “vivre selon la chair”, il y a donc “vivre selon l'Esprit”. C'est-à-dire vivre en n'étant plus centré sur soi-même, esclave d'un insatiable désir de  domination ou d'un vain rejet de la finitude humaine. C'est pour cela que Paul pose  Jésus-Christ comme le modèle de cette vie “selon l'Esprit”, une vie dépréoccupée de soi-même. Bien entendu, c'est l'individu tout entier, chair comprise, “corps et âme” si l'on veut, qui est donc impliqué dans cette vie selon l'Esprit.  Une vie qui n'a pas à être conquise, mais accueillie comme un don de Dieu. 

Patrice ROLIN

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(l'article ci-dessus est paru dans Paroles Protestantes en 2011)

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En lien avec cette note, lire :

Le chapitre 5 de la lettres de Paul aux Galates

Et les articles suivants : 

EPITHYMIA, convoitise

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