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NICODÈME

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(Christ et Nicodème, Crijn Hendricksz VOLMARIJN 1604-1645)

Nicodème est une figure qui apparaît uniquement dans l’évangile de Jean, dès le chapitre 3, dans une séquence où il est le vis-à-vis de Jésus, dans le cadre d’un dialogue. Dans ce texte assez obscur à première lecture, Jésus occupe le devant de la scène, et se livre à un long développement sur certains éléments de sa mission, et sur le thème de la nouvelle naissance.

Un personnage de la Bible : Nicodème,
présenté par Christine Prieto

Disons déjà, avant de revenir plus longuement sur cette séquence du chapitre 3, que Nicodème ne semble pas y occuper un rôle très avantageux : parce qu’il vient interroger Jésus de nuit, on dit souvent qu’il se dissimule, qu’il est lâche ; parce que Jésus lui pose des questions auxquelles il ne sait pas répondre, il passe pour un ignorant ; de plus, Jésus laisse entendre qu’il devrait comprendre ce qui lui est dit, car Nicodème est un maître en théologie ; assez rapidement, le dialogue devient d’ailleurs un monologue. Jésus se lance dans un discours d’auto-révélation et Nicodème est réduit au silence. Il semble alors définitivement dépassé par la situation. On pourrait en conclure que Nicodème n’est qu’un faire-valoir, un personnage de l’ombre, dont la fonction dans le livre se limite à donner l’occasion à Jésus de prendre la parole, afin d’expliquer aux lecteurs qu’il leur faut naître de nouveau.

 Mais si l’évangéliste ne voulait pas limiter le personnage de Nicodème à un faire-valoir ? Alors à quoi sert-il dans le livre ? En regardant le quatrième évangile de plus près, on constate que Nicodème n’intervient pas une fois, mais trois fois. Voilà qui est intéressant, car cette triple occurrence ne peut être le fruit d’un hasard littéraire. Un personnage qui apparaît trois fois dans un livre, réparties entre le début et la fin de l’ouvrage, a toutes les chances de suivre un parcours voulu par l’auteur.

Et en effet, nous allons voir qu’une trajectoire se dessine pour ce personnage. Il y a quelque chose que le lecteur est invité à décoder, il y a un message que l’évangéliste veut nous adresser à travers cette figure. Considérons donc comment Nicodème évolue : d’où il part et où il aboutit.

 Nicodème intervient donc d’abord lorsqu’il se rend de nuit auprès de Jésus, pour parler avec lui. Il prend la parole le premier et reconnaît l’autorité de Jésus. Il dit : « Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de la part de Dieu, car personne ne peut faire ces miracles que tu fais, si Dieu n'est avec lui. » Voilà une affirmation positive : les miracles accomplis par Jésus sont pour Nicodème le signe que Jésus est un envoyé de Dieu. Nicodème ne fait donc pas partie des incrédules que Jean dénonce au chapitre 12 (verset 37), lorsqu’il écrit : “Malgré tant de miracles que Jésus avait faits devant eux, ils ne croyaient pas en lui ”.

Notons néanmoins que Nicodème ne croit pas en Jésus, mais qu’il sait. Au verset 2, Nicodème dit en effet « nous savons que tu es un docteur ». Il y a sans doute là un bémol à relever, car juste avant notre séquence, au chapitre 2 (verset 23), on lit : “Pendant que Jésus était à Jérusalem, plusieurs crurent en son nom, à la vue des miracles qu'il faisait”. Dans la pensée de Jean, les miracles doivent déclencher la foi et non la connaissance.

Donc Nicodème sait, plus qu’il ne croit. Mais même cela va s’écrouler rapidement, car Jésus affirme aux versets 8 et 10 : « tu ne sais pas ». Et quant à avoir compris ce que signifient les miracles accomplis, Jésus dit au verset 11 « vous ne recevez pas notre témoignage ». Le prétendu savoir de Nicodème masque en fait une grande ignorance. 

Mais qui est Nicodème ? Il fait partie d’un groupe, les Pharisiens, qui étudient la Bible et particulièrement la Loi, pour y trouver les fondements de leur rapport à Dieu. Dans ce groupe, Nicodème est un maître : le narrateur le qualifie de « chef des Juifs » et Jésus l’appelle « docteur d’Israël ». Nicodème se distingue donc par son savoir et sa capacité à enseigner, qui le placent au-dessus des autres membres du groupe des pharisiens. C’est sans doute à ce titre qu’il est venu discuter avec Jésus, car le premier propos que Nicodème adresse à Jésus est « tu es un docteur venu de la part de Dieu ». ‘Docteur’ traduisant didaskalos, c'est-à-dire un enseignant, un maître.

Nicodème et Jésus sont donc comme à égalité, deux maîtres versés en théologie, à la recherche de la vérité divine. Pourquoi Nicodème vient-il voir Jésus ? Nous ne le saurons jamais vraiment, car après la première déclaration du verset 2, où Nicodème reconnaît Jésus comme maître, c’est Jésus qui mène la conversation : il déclare, il questionne, et Nicodème se trouve placé dans la position de l’élève qui ne sait pas sa leçon. S’il avait préparé des questions précises à poser, Jésus ne lui en a pas laissé l’occasion.

Un autre élément joue en défaveur du personnage. Au chapitre 2 (versets 23-25), juste avant que Nicodème ne se présente, l’évangéliste situe le cadre : nous sommes à Jérusalem, au temps de Pâques. Or, il écrit au sujet des gens qui entourent Jésus : “Jésus ne se fiait pas à eux, parce qu'il les connaissait tous, et parce qu'il n'avait pas besoin qu'on lui rende témoignage de quelqu'un ; il savait de lui-même ce qui était dans l'homme.” Jésus est méfiant sur les personnes qui sont autour de lui, même si celles-ci ont apparemment une attitude positive vis-à-vis de son œuvre et de sa personne. Juste après, arrive Nicodème, avec des louanges aux lèvres : si bien que lui aussi, pourrait être englobé dans la méfiance que Jésus ressent vis-à-vis d’un engouement superficiel.

 Dans le dialogue du chapitre 3 avec Jésus, Nicodème est très rapidement perdu. Lorsque Jésus lui dit : « si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu », Nicodème demande « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? ». C’est que Nicodème n’a pas compris le jeu de mots contenu dans l’adverbe grec anôthen qui veut dire à la fois “de nouveau” et “d’en-haut”. Il se demande comment un homme peut sortir deux fois du ventre de sa mère, tandis que Jésus parle de la seconde naissance qui vient du ciel, par le pouvoir de l’Esprit Saint. Le dialogue qui suit entre Nicodème et Jésus poursuit sur ce premier malentendu : après la seconde naissance, Nicodème ne comprend pas la distinction entre le vent qui souffle et l’Esprit qui agit sur l’homme ; et il ne semble pas savoir discerner entre les choses du ciel et les choses de la terre. En un mot, l’économie du salut et du renouvellement de l’homme, exposée par Jésus, échappe totalement à Nicodème.

On pourrait donc conclure à la fin de la lecture du chapitre 3 que Nicodème est une figure du malentendu et de l’incompréhension ; l’exemple parfait d’une mauvaise réception de l’œuvre de Jésus.

Nicodème pourrait à juste titre faire partie de ceux dont Jésus se méfie, à la fin du chapitre 2, si Jean n’avait pas préparé l’évolution du personnage, par ses apparitions suivantes.

 

Nicodème revient dans le récit au chapitre 7. Le contexte est celui d’une dispute qui a lieu parmi les pharisiens au sujet de l’identité de Jésus. Tandis que la foule voit en Jésus un prophète, d’autres doutent qu’il puisse être le Christ. Tous les pharisiens présents nient fermement que Jésus soit le Christ. C’est alors que Nicodème prend la parole. Il déclare aux versets 50-51 : « Notre loi juge-t-elle un homme avant qu'on l'ait entendu et qu'on sache ce qu'il a fait ? ». Les pharisiens refusent de prêter attention à la remarque de Nicodème, et le débat se clôt sans réponse. La division demeure.

Dans cette deuxième apparition de Nicodème, on note une évolution de la figure : tandis qu’au chapitre 3, Nicodème est un chef pharisien qui connaît la Loi, mais ne comprend pas le projet de Dieu, au chapitre 7, il intervient contre le front unique des pharisiens et les accuse de ne pas connaître la Loi. Il est critiqué par ses collègues, qui le traitent de Galiléen, c'est-à-dire quelqu’un qui ne mérite pas d’être écouté. Après avoir été le porte-parole des pharisiens au chapitre 3, il est rejeté par eux au chapitre 7.

De surcroît, Jean précise que Nicodème était venu précédemment voir Jésus, ce qui est une façon de lier explicitement l’intervention du chapitre 7 à celle du chapitre 3, et de montrer ainsi que le personnage évolue. Il est passé de l’incompréhension au questionnement sur l’identité de Jésus, et il s’oppose maintenant à ceux qu’il représentait auparavant.

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(La descente de croix, Hans MEMLING vers 1490)

 La troisième apparition de Nicodème a lieu au chapitre 19, juste après la mort de Jésus. Au verset 39, Nicodème accompagné de Joseph d’Arimathée vient prendre le corps de Jésus pour l’embaumer et l’ensevelir. Il n’y a que Jean qui parle de la présence de Nicodème aux côtés de Joseph d’Arimathée. L'évangéliste Jean écrit alors que Nicodème apporta “un mélange d'environ cent livres de myrrhe et d'aloès”. Cent livres font 33 kg de parfums précieux ! Pourquoi une telle démesure ? Cela correspond à un enterrement royal, comme on le voit lors des funérailles du roi Asa en 2 Chroniques 16,14. Nicodème récupère le corps de Jésus et le traite comme un roi qui mérite les plus grands honneurs. Ce faisant, il le déclare roi et donne sens au panneau placé sur la croix “Celui-ci est le roi des juifs”.

On pourrait reprocher à Nicodème de s’attacher à un corps mort et de ne pas attendre la résurrection. En fait, Jean veut donner une image positive du pharisien. C’est aussi le cas de Joseph d’Arimathée dont il est écrit “qu’il était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs” et qui soudain va voir Pilate au grand jour, pour réclamer le corps de Jésus. C’en est fini des questions, Nicodème déclare à présent au grand jour son attachement à Jésus. Joseph et Nicodème se montrent tous deux disciples de Jésus, par une démarche officielle et visible. En 3,11, Nicodème faisait partie de ceux qui ne recevaient pas le témoignage de Jésus ; en 19,40, Nicodème reçoit le corps de Jésus.

Le corps que Nicodème reçoit a été transpercé sur la croix, et du côté de Jésus sont sortis du sang et de l’eau. Or, au chapitre 2, Jésus a dit que son corps serait le nouveau temple ; et au chapitre 7, Jésus invitait à venir boire l’eau vive qu’il donnera, et qui est l’Esprit Saint. Avec Nicodème, le lecteur est invité à comprendre ce parcours spirituel : le corps de Jésus est devenu le nouveau Temple, et est une source d’eau vive pour le croyant. Le jaillissement de l’eau vive - qui réalise une prophétie tirée du livre d’Ezéchiel chapitre 47 - apporte la vie et la guérison à toutes les créatures qui s’y rafraîchissent.

 

La figure de Nicodème est discrète dans le quatrième évangile, mais elle est présente à des moments de révélation du mystère du Christ. Le fait qu’il soit membre du parti pharisien peut être une façon pour Jean, de lancer un appel aux Juifs qui ne reconnaissent pas encore Jésus, afin qu’ils viennent recevoir l’eau vive de l’Esprit et qu’ils naissent d’en-haut.

Christine PRIETO

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L'article qui précède est le texte de l'émission
“Un mot de la Bible” sur Fréquence Protestante 100.7 FM
du samedi 15 septembre 2012.

>Lire Jean 3<

Pour écouter la lecture de les chapitres de l'évangile de Jean évoqués
dans la traduction en français fondamental (Parole de Vie)
Cliquez ci-dessous
Chapitre 3 <
Chapitre 7 < 
Chapitre 19 <

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