Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La divinité de Jésus suspendue à un point

juin-juillet-août2009.jpg

La ponctuation pourrait être considérée comme un détail, une subtilité. Mais parfois elle fait un clin d’œil à des questions essentielles : être ou ne pas être… Dieu...

ponctuation,point final,point virgule,point d'exclamation,point d'interrogation,divinité,jésus,fils de dieu

Nous avons plusieurs fois souligné l’absence de ponctuation dans les textes grecs anciens qui sont la source de notre connaissance du Nouveau Testament. Et même l’absence d’espace entre les mots. Si vous voulez avoir une idée de la difficulté à déchiffrer un texte sans espaces, allez donc voir la Déclaration des droits de l’homme inscrite sur le quai du métro Concorde.

ponctuation,point final,point virgule,point d'exclamation,point d'interrogation,divinité,jésus,fils de dieu





< Luc 11,2 dans le codex Sinaïticus 
    (manuscrit datant du 4ème s. ap. JC)


La plupart du temps, la ponctuation, mise ultérieurement sur les textes grecs, ne pose pas de problème. Dans certaines phrases cependant, plusieurs sens sont possibles, suivant l’usage qui en est fait. Et les choix effectués peuvent être discutés, surtout s’ils résultent d’une pré-compréhension du sujet traité, extérieure au texte.

Rappelons que cette ponctuation, apparue progressivement au haut Moyen-Âge, n’a fait l’objet d’une utilisation systématique qu’avec l’apparition de l’imprimerie.

Nous allons considérer l’exemple de Romains 9,5 dans lequel c’est la divinité de Jésus qui est en cause. Dans ce passage, l’apôtre s’attriste de la situation des Israélites à qui appartiennent, les alliances, la loi, le culte et les pères, mais qui ont rejeté le Christ. Voici la phrase, sans ponctuation :

“… Eux qui sont les Israélites […] 
dont est issu le Christ selon la chair
lui qui est au dessus de tout Dieu béni éternellement” ?

Nous pouvons séparer les trois parties de phrase par des virgules :

“… Eux qui sont les Israélites […]
dont est issu le Christ selon la chair,
lui qui est au dessus de tout, Dieu béni éternellement”.

Nous pouvons aussi mettre un point :

“… Eux qui sont les Israélites […] 
dont est issu le Christ selon la chair.
Celui qui est Dieu au dessus de tout est béni éternellement”.

On notera que le changement de ponctuation conduit à modifier aussi la tournure de la traduction.

Dans le premier cas, Jésus est Dieu. Dans le second, la question est ailleurs. Il ne s’agit donc pas d’un simple détail. La plupart des traducteurs, plutôt acquis à la théologie trinitaire, ont opté pour la première version. Quelques autres cependant ont opté pour la seconde : Stapfer (Société biblique, 1911), Goguel (Payot 1929), Depussé et Gignac (Bayard 2000), Oltramare (Gallimard 2001).

Que voulait dire Paul ? L’objet de son discours est ailleurs. Mais peut-on imaginer qu’incidemment, il considère comme allant de soi que Jésus soit également Dieu ? Les traducteurs ne répondent pas de la même façon. Nous pouvons cependant observer que, nulle part ailleurs dans les lettres authentiques de l’apôtre, Jésus n’est considéré comme Dieu. Rappelons-nous par exemple la fameuse tirade de 1 Corinthien 11,3 : “Le chef de tout homme c’est le Christ ; le chef de la femme c’est l’homme ; le chef du Christ, c’est Dieu”. À la rigueur peut-on trouver une ‘forme’ d’exception dans l’hymne aux Philippiens (2,6) qui précise que Jésus est “en forme de Dieu”. Ici d’ailleurs, Stapfer se distingue encore en traduisant : “Il était revêtu des caractères de Dieu”.

Il serait donc assez étonnant que cette phrase de la lettre aux Romains soit la seule de toutes les épitres de Paul qui veuille signifier, même incidemment, que Jésus soit Dieu. Plus vraisemblablement, Paul utilise ici, comme à d’autres endroits, une bénédiction finale adressée à Dieu.

Quoi qu’il en soit, il serait imprudent de s’appuyer sur cette seule phrase pour en déduire une théologie de Paul concernant la divinité de Jésus.

Henri PERSOZ

—•o0o•—

(l'article ci-dessus est paru dans Paroles Protestantes en juin 2009)

—•o0o•—

En lien avec cet article, lire : 

Le Sinaïticus reconstitué

• Jésus est-il Dieu ?

• La voix crie-t-elle dans le désert ?

• Mourons franchement !


 

Les commentaires sont fermés.