(Titulus d'un crucifix, Michel Ange 1494)
“Jésus de Nazareth, roi des juifs”
Drôle de question qui résonne de façon polémique en cette année électorale...
—La Bible est si diverse, et les circonstances historiques et politiques de sa rédaction si variées, que chacun peut aisément isoler et détourner le verset qui donnera un peu d’autorité divine à ses propres options ! Dieu est sans doute au-dessus de la mêlée politicienne qui se déchaîne, mais pouvons-nous dire qu’il y soit indifférent, et que toutes les options se valent ?
La poursuite du bien commun
—Bien sûr, tous les programmes affirment avoir pour but le bien commun, suivant en cela la définition qu’Aristote donnait de la politique. Cet objectif était aussi celui des rois d’Israël qui, comme “lieu-tenants” de Dieu dans le cadre d’un pacte d’alliance, recevaient mission d’assurer la paix, l’harmonie, et la justice au service du peuple. C’est l’idéal attesté par de nombreux textes bibliques :
—“ … Alors le roi régnera pour la justice.
—Quant aux princes, ils gouverneront pour l’équité …
—L’œuvre de la justice sera la paix, et l’ouvrage de la justice,
—la tranquillité et la sécurité pour toujours.”
———————————————(Ésaïe 32,1.17)
—La poursuite du bien commun, voilà une formule qui semble donc consensuelle. Mais quel bien ? Commun à qui ? Par quels moyens ? Et à quel prix humain ? L’évidence se dissipe ! Si le texte cité exprime cet objectif comme une espérance, c’est bien que la réalité est souvent différente. C’est pourquoi le psalmiste formule cette prière :
—« O Dieu, donne au roi tes jugements,
—au fils du roi ta justice !
—Il jugera ton peuple avec justice et tes pauvres selon l’équité …
—Il fera droit aux pauvres du peuple,
—il sauvera les fils du déshérité
—et il écrasera l’oppresseur.»
———————————————(Psaume 72,1-4)
Droit et justice
—Jamais, les textes bibliques ne dénoncent la richesse en elle-même, et celle-ci y est souvent vue comme une bénédiction. De même la pauvreté subie n’y est jamais magnifiée pour elle-même. Cependant, les auteurs bibliques constatent avec lucidité que, dans les différents systèmes politiques qu’ils connaissent, des logiques d’oppression économique sont presque systématiquement à l’œuvre. Aussi l’Écclésiaste désabusé écrit-il :
—“ Si tu vois que, dans une province,
—on opprime le pauvre,
—on dépouille le droit et la justice,
—ne sois pas stupéfait de la chose ;
—car un personnage haut placé protège
—un autre personnage haut placé,
—et il en est encore de plus haut placés qu’eux.”
——————————————(Qohéleth 5,7).
—Et ces logiques prennent même parfois la forme de la légalité !
Ainsi, Ésaïe (10,1-2) s’exclame-t-il :
—« Malheur à ceux qui promulguent des lois malfaisantes,
—qui écrivent des arrêts oppressifs,
—refusant aux faibles la justice,
—dépouillant de leur droit les pauvres de mon peuple,
—faisant des veuves leur butin et pillant les orphelins ! »
À l’heure du choix
—Dieu ”de gauche” ou ”de droite” ? La question est d’autant plus simpliste qu’un certain flou existe de nos jours quant au contenu de ces qualificatifs ! Dans chaque camp, toute personne éprise de justice pourrait s’associer à l’indignation d’Ésaïe. Par ailleurs, les contextes politiques et économiques des temps bibliques étaient si différents des systèmes de production et de répartition des richesses d’aujourd’hui qu’il serait vain de chercher dans la Bible des réponses, par définition anachroniques, à nos problèmes économiques. Il appartient donc à chacun d’évaluer et de choisir les options politiques les plus propres à atteindre le bien commun, sachant qu’aucune entreprise humaine ne peut prétendre à la perfection.
—Reste qu’il se dégage de la Bible une cohérence s’enracinant dans l’Alliance fondatrice du peuple. Un pacte d’alliance qu’il appartient aux puissants, comme à chacun, de respecter devant Dieu. D’où la protestation prophétique qui questionne, conteste et parfois combat les logiques politiques, économiques ou religeuses qui brisent l’Alliance en brisant des hommes. De la même façon aujourd'hui, la justice et l’équité fondent notre pacte social. Y renoncer, c’est se perdre en tant que peuple.
Patrice ROLIN
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Politique du Nouveau Testament, leçons contemporaines,
François VOUGA (Labor & Fides 2008)