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ANÊR, l'humain mâle

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Un mot de la Bible, le mot anêr. Sous cette forme-là, anêr ne vous rappelle sans doute pas grand-chose, mais avec une de ses formes particulières, on commence à comprendre : le génitif d’anêr est andros. Non, nous ne parlerons pas de confiture ou de jus de fruit dans cette note, mais du mot grec à l’origine du prénom André ou celui d’Alexandre ou encore celui d’Andromaque. Un mot grec que l’on retrouve également dans les mots français : androïde, scaphandre, polyandre, et d’autres encore...

Un mot de la Bible par
Dominique Hernandez...

- Qu’est-ce qu’un androïde ?
——C'est quelque chose qui a une “apparence d’homme”.

- Un scaphandre signifie littéralement : “homme-barque”.

- Polyandre se dit d’une femme qui a “plusieurs maris” en même temps ;
——
c’est l’équivalent féminin de l’homme polygame.

Anêr, c’est donc l’homme, l’homme masculin, pas l’humain en général qui se dit en grec anthrôpos, mais l’humain mâle.

Anêr, c’est l’homme capable d’engendrer, c’est l’homme par rapport à la femme, on peut même dire qu’anêr, c’est l’homme qui a une femme, une épouse car anêr signifie très souvent “mari”, “époux”. Un jeune homme, qui n’est pas encore marié, n’est pas un anêr, il est désigné d’un nom différent.

 Beaucoup de traductions de la Bible en français traduisent indifféremment anêr et anthrôpos par homme, puisqu’en français, homme peut avoir la signification générique d’humain. Cette masculinisation induite du genre humain pèse parfois lourdement sur les femmes, qui ne s’y retrouvent pas toujours, ou plutôt, se retrouvent de cette manière subordonnées au genre masculin et l’on verra comment un certain auteur biblique examine ce point sensible des relations humaines…

 Mais même en grec, entre anthrôpos et anêr, la distinction n’est pas toujours évidente à rendre en français. Par exemple, lorsque Pilate dit en parlant de Jésus au moment de son procès : «Voici l’homme», c’est anthrôpos qu’a choisi le rédacteur de l’évangile de Jean (19,5). Pilate dit littéralement, ce qui permet d’apprécier toute la subtilité de l’évangéliste : voici l’humain. Mais aucune traduction ne le rend ainsi, c’est toujours «Voici l’homme», puisque Jésus est un homme masculin.

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(Ecce Homo, CISERI 1821-1891)

 Dans certains cas, le grec même emploie anthrôpos en parlant d’un homme masculin. Par exemple en Matthieu 19 : les pharisiens tendent un piège à Jésus avec une question portant sur le divorce : « Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme pour n’importe quelle raison ?» (19,3). Cet homme-là, en grec, c’est anthrôpos. Il est pourtant évident qu’il s’agit d’un anêr puisqu’il est marié à une femme. De même la réponse de Jésus, fidèle à la Septante, la traduction grecque du Premier Testament, parlera de l’homme qui quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme (Genèse 2,24). Encore un anthrôpos qui est forcément un anêr.

 Et bien sûr, il n’est pas d’anthrôpos qui soit forcément une femme, celle-ci est toujours désignée par le mot propre aux femmes : gunê.

 Le genre humain semble avoir culturellement tendance à être plus masculin que féminin…

 

Anêr : homme et/ou mari, le même mot, comme s’il n’y avait d’homme que marié, comme s’il n’y avait d’homme qu’avec, en face, par rapport à la femme. L’inverse est tout autant vrai puisque c’est le même mot qui dit la femme et l’épouse : gunê ; de même qu’en français, on dit femme pour l’humain de sexe féminin et pour désigner une épouse. Anêr, homme, mari ou époux, les traducteurs ont leurs critères pour choisir : dans la Traduction Œcuménique de la Bible, seul Joseph est un époux (anêr), l’époux de Marie. Les autres traductions d’aner par époux sont réservées à des textes où l’époux est une figure du Christ en général. Les autres aner sont des maris, quand l’accent est mis sur leur état d’hommes mariés.

Ainsi Jésus sait-il que la femme samaritaine a eu cinq maris et que l’homme qu’elle a au moment de sa rencontre avec Jésus n’est pas son mari (Jean 4); dans le texte grec, ce sixième homme n’est d’ailleurs ni anêr ni anthrôpos, seulement un pronom “celui-ci”. Avec cinq maris, cette femme pourrait presque servir comme un des cas d'école mis en avant par Jésus dans l’évangile de Marc (10,1-12), lorsque ses disciples demandent un éclaircissement sur la controverse qui vient d’avoir lieu avec des scribes au sujet du divorce : «si la femme répudie son mari et en épouse un autre, elle est adultère.»

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(La femme adultère, HARRICH 1617)

 Il y a des hommes, des maris parce qu’il y a des femmes. Les uns ne sont qu’avec les autres, et réciproquement. Il en est ainsi dès le commencement de la Bible, dans la Genèse, lorsque l’humain est créé, il est humain, adam. L’homme apparaît dans la reconnaissance de la femme lorsque celle-ci aura été créée à partir de l’adam, de l’humain. C’est par leur relation que l’homme et la femme deviennent homme et femme, et cette relation qui les découvre l’un à l’autre, l’un de l’autre, l’un par l’autre, cette relation, dans le texte biblique, est mise en scène dans la société par le mariage.

 Pas simple que cette relation du mariage ! Nous avons déjà vu comment la Samaritaine a eu cinq maris avant d’être avec un sixième homme qui n’est pas son mari. Dans un ordre d’idée un peu semblable, l’exhortation de l’auteur de la première épître à Timothée (3,1 et suivants) indique qu’un homme a parfois plusieurs femmes en même temps, car il précise : il faut que l’épiscope (= le dirigeant d’une Eglise locale) soit “irréprochable, mari d’une seule femme, sobre, pondéré, de bonne tenue, hospitalier, capable d’enseigner, ni buveur, ni batailleur, mais doux, ni qu’il ne soit ni querelleur, ni cupide”… La liste se poursuit, mais nous avons bien noté que le premier argument d’irréprochabilité est d’être mari d’une seule femme. Il en est de même pour les diacres : “qu’ils soient maris d’une seule femme, qu’ils gouvernent bien leurs enfants et leur propre maison.” (1 Timothée 3,8-13). Polygamie ou divorces répétés pouvaient donc se rencontrer dans les premières communautés chrétiennes…

 Autre mari du Nouveau testament : Ananias, dans le livre des Actes des apôtres. C’est un véritable drame qui est décrit au début du chapitre 5. Ananias et sa femme Saphira retiennent une partie du prix de la vente d’un champ, mais d’un commun accord, dissimulent cette retenue à l’apôtre Pierre, et prétendent l’un après l’autre lui porter la totalité du montant de la vente. Ananias le premier est convaincu de mensonge et tombe, mort, aux pieds de l’apôtre. Quand Saphira arrive à son tour, ignorant le décès de son époux, elle persiste dans le mensonge et Pierre s’indigne alors : « Comment avez-vous pu vous mettre d’accord pour provoquer l’Esprit du Seigneur ? Ecoute, les pas de ceux qui viennent d’enterrer ton mari sont à la porte ; ils vont t’emporter toi aussi. » Et Saphira tombe morte à son tour. L’accord entre le mari et la femme, révélé au début du récit, puis repris par Pierre, est exprimé avec le verbe sumphonéô, dans lequel on reconnaît une symphonie. Mais dans cette symphonie pour un mensonge, le mari et la femme se trouveront finalement réunis… dans la tombe.

 

 Les relations conjugales sont traitées à plusieurs reprises dans des épîtres du Nouveau Testament. La première de Pierre, l’épître aux Colossiens, celle aux Ephésiens déroulent ainsi des codes domestiques assez ressemblants les uns aux autres. Une lecture aussi partiale que partielle, une lecture de mauvaise foi les a souvent réduit à un : “femmes, soyez soumises à vos maris, à vos hommes !”. C’est bien dans le texte, les trois textes, mais ce qui précède ou ce qui suit infléchit considérablement le sens des passages. Si la soumission est requise de la part des épouses, la part des époux n’est pas des moindres :

——Maris, aimez vos femmes
——
et ne vous aigrissez pas contre elles
—————————————
(Colossiens 3,19)

——Vous les maris, de même, menez la vie commune
——
en tenant compte de la nature plus délicate de vos femmes ;
——
montrez-leur du respect,
——
puisqu’elles doivent hériter avec vous la grâce de la vie,
——
afin que rien n’entrave vos prières.
—————————————
(1 Pierre 3,7)

——Maris, aimez vos femmes
——
comme le Christ a aimé l’Eglise
——
et s’est livré lui-même pour elle ;
——
il a voulu ainsi la rendre sainte
——
en la purifiant avec l’eau qui lave,
——et cela, par la Parole ;
——
il a voulu se la présenter à lui-même,
——
splendide, sans tache ni ride ni aucun défaut ;
——
il a voulu son Eglise sainte et irréprochable.
——
C’est ainsi que le mari doit aimer sa femme
——
comme son propre corps.
——
Celui qui aime sa femme s’aime lui-même.
——
Jamais personne n’a pris sa propre chair en aversion ;
——
au contraire on la nourrit,
——on l’entoure d’attention
——
comme le Christ fait pour son Eglise ;
——
ne sommes-nous pas les membres de son corps ?
——
C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère,
——
il s’attachera à sa femme
——
et ils formeront tous deux une seule chair.
——
Ce mystère est grand :
——
moi, je déclare qu’il concerne le Christ et l’Eglise.

——En tout cas, chacun de vous, pour sa part,
——
doit aimer sa femme comme lui-même,
——
et la femme, respecter son mari.
—————————————
(Ephésiens 5,25-33)

 Reprise du grand commandement d’amour du prochain, conformation à l’image de ce qu’a fait le Christ, affirmation de l’héritage commun de la grâce, voilà qui organise les relations du mari et de la femme bien différemment d’une domination et d’une subordination ! Il s’agit là d’une subversion plus que d’une révolution et l’apôtre Paul en a le premier montré l’exemple.

 Le mot anêr revient à un rythme soutenu dans deux grands passages des épîtres pauliniennes. Il s’agit du chapitre 7 et du chapitre 11 de la première épître aux Corinthiens. Au chapitre 7, Paul répond à une question posée par les Corinthiens sur le mariage : peut-on se marier ? Et bien répond Paul, s’il est bon pour l’homme (anthrôpos) de s’abstenir de la femme, il vaut mieux pour éviter les débordements, que tout homme ait sa femme et toute femme son homme, et ceci dans une parfaite réciprocité de devoirs et de considération :

Que le mari remplisse ses devoirs envers sa femme et que la femme fasse de même envers son mari. Ce n’est pas la femme qui dispose de son corps, c’est son mari. De même ce n’est pas le mari qui dispose de son corps, c’est sa femme.

 Il vaut mieux se marier que brûler poursuit l’apôtre, et surtout, ne pas se séparer de sa femme ou de son mari, même si le conjoint n’est pas croyant car “le mari non-croyant est sanctifié par sa femme et la femme non-croyante est sanctifiée par son mari.” (7,14) L’important est de ne pas changer de condition (marié ou non, esclave ou libre…), mais de vivre sa condition en temps que croyant, car “le temps est écourté” (7,29). Ce qui importe réellement à Paul c’est que toute question, toute situation soit évaluée dans la perspective de l’Evangile dont on lit une des plus belles expressions par l’apôtre dans l’épître aux Galates : “il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclaves ni homme libre, ni homme ni femme” (littéralement : ni mâle ni femelle), car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ.”(Galates 3,28-29).

 Cette conviction éclaire également le second passage de l’épître aux Corinthiens, au chapitre 11 :

“Je veux pourtant que vous sachiez ceci la tête de tout homme, c'est le Christ ; la tête de la femme, c'est l'homme ; la tête du Christ, c'est Dieu. Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte déshonore sa tête. Mais toute femme qui prie ou prophétise tête découverte déshonore sa tête ; car c'est exactement comme si elle était rasée. Si la femme est découverte, qu'elle se fasse tondre ! Mais si c'est une honte pour une femme d'être tondue ou rasée, qu'elle soit couverte. L'homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête il est l'image et la gloire de Dieu ; mais la femme est la gloire de l'homme. Car ce n'est pas l'homme qui a été tiré de la femme, mais la femme de l'homme. Et l'homme n'a pas été créé au travers de la femme, mais la femme au travers de l'homme. Voilà pourquoi la femme doit avoir une autorité sur la tête, à cause des anges. Pourtant il n'y a pas de femme sans l'homme ni d'homme sans la femme dans le Seigneur. Car si la femme a été tirée de l'homme, l'homme naît au travers de la femme et tout vient de Dieu.

 Le texte semble un peu embrouillé et même les anges s’en mêlent… mais pour dire quoi ?

 Culturellement, l’homme est considéré comme supérieur à la femme et l’apôtre ne remet pas ouvertement en cause cette hiérarchie. Mais il rappelle sans cesse, que femme et homme sont pareillement soumis au Christ, que leur origine commune est en Dieu et que seule cette perspective, qui est celle de la foi, est importante. Toute situation sociale, religieuse, humaine, en est habitée à nouveau et profondément transformée. Toute identité et toute relation en est éclairée et revisitée. Alors, homme et femme face à face, oui, mais entre eux, l’Esprit ; homme et femme côte à côte, oui, mais devant Dieu.

Dominique HERNANDEZ

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L'article qui précède est le texte de l'émission
“Un mot de la Bible” sur Fréquence Protestante 100.7 FM
du samedi 29 décembre 2007.

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En lien avec cette note, lire :

ANTHRÔPOS, l'humain

ADAM, l'humain

GAMEÔ, se marier, épouser

Eve, la moitié d'un humain

A l'aide !

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(Cantique des cantiques, Marc CHAGALL)

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