Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La Bible, un singulier pluriel !

Du port, aux livres

 ——Il était une fois, sur la côte de l'actuel Liban, un port nommé Guébal mais que les grecs appelaient Byblos.

106002782_small.jpg

(vue actuelle du port de Byblos, le site archéologique est sur la droite)

papyrus.png ——A partir de la fin du 2ème millénaire av. JC, les Phéniciens, peuple de commerçants et de marins, y prospèrent. De nombreux produits transitent par Byblos et sont transportés jusqu'aux confins de la Grande Mer. Parmi ceux-ci, le précieux papyrus, une spécialité égyptienne. Avec la tige de cette plante des marais des bords du Nil, les Égyptiens confectionnaient des feuilles servant de support pour l’écriture, dès la fin du 4ème millénaire. Notre mot français ‘papier’ vient d’ailleurs du mot ‘papyrus’, alors même que le procédé de fabrication du papier vient de Chine !

papyrus_specimen.gif Des siècles durant, le  papyrus d'Égypte transita par Byblos, en particulier vers la Grèce.

Les Grecs appelèrent donc ces feuilles de papyrus du byblos. C'est-à-dire “le produit venant de Byblos”.


rouleau-approximatif-de-manuscrit-de-fond-de-texture-de-papier-parchemin-eacute-d-isolement-sur-le-blanc-thumb602305.jpg——Ces feuilles pouvaient être utilisées séparément ou assemblées en longues bandes formant un rouleau, un volumen en latin. Au début de l'ère chrétienne, on commença à relier ces feuilles en cahiers, pour former un livre qu'on nomma codex. Mais rouleau ou cahier, volumen ou codex, les Grecs appelèrent un ouvrage fait de feuilles de papyrus, un biblos ou un biblion.

——Ainsi dans la version grecque du Premier Testament les mots biblos et biblion traduisent l’hébreu SéPhèR. (= livre, registre, lettre…). Et les auteurs du Nouveau Testament utilisent ces mots pour désigner leurs œuvres ou d’autres écrits (Matthieu 1,1 ; Marc 12,26 ; Luc 4,17.20 ; Jean 20,30 ; 21,25 ; Apocalypse 3,5 ; 22,18-21). Tous ignorent bien entendu que leur livre se trouvera un jour dans une collection nommée “la Bible”.

ms193.jpg

Du pluriel, au singulier

——Les chrétiens des premiers siècles appelèrent naturellement la traduction grecque de la Bible hébraïque, et la collection des livres du Nouveau Testament de la plus simple des façons : ta biblia, “les livres”, parfois ta biblia ta agia ou ai iérai bibloi “les livres saints”. Il était donc clair pour eux qu'il s'agissait d'une pluralité d'écrits. Ainsi, vers 400 ap. JC, Jérôme, le grand traducteur de la Bible en latin parlait encore de cet ensemble de livres comme d'“une bibliothèque divine”.

——Comme dans toute bibliothèque, surtout si l’écriture de ses ouvrages s’étale sur près d’un millénaire, leurs auteurs ont des positions différentes quant aux sujets traités. La Bible présente donc en son sein une certaine diversité à propos des grandes questions existentielles de l'humanité, ou des façons de se représenter Dieu. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un assemblage hétéroclite, mais au sein d’une relative unité apparaît aussi une grande diversité. Certains livres entrent même en débat avec d'autres.

——Au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, la liste des livres retenus dans Nouveau Testament se constitue, et ceux-ci sont adjoints à l'Ancien Testament. C'est aussi la période où l’on adopte progressivement l'assemblage de cahiers pour constituer des codex, les ancêtres de nos livres reliés. Mais c'est aussi et surtout la période où, en Occident, le latin remplace progressivement le grec, la langue commune de l'Antiquité.

fr_bible.jpg

——Le latin va alors transposer littéralement le mot grec ta biblia, “les livres”. Mais voilà, ce pluriel biblia, “les livres” est alors compris comme un féminin singulier. Biblia en latin signifie “la Bible” ! C'est le même son, mais en grec c'est un neutre pluriel, alors qu’en latin c'est un féminin singulier. Et voilà notre bibliothèque plurielle transformée en un ouvrage singulier. Bien sûr, il ne s'agit pas là d'une erreur de traduction, mais de l'aboutissement d'un long processus fondé sur la conviction qu’une Parole singulière s'exprime dans les différents livres de la Bible. Une même Parole, certes, mais au travers de plusieurs voix ! Ainsi, respecter la singularité de la Bible, c’est aussi entendre les voix diverses et parfois divergentes qui entrent en débat au sein même de la bibliothèque plurielle qu'elles constituent.

Patrice ROLIN

—•o0o•—

(l'article ci-dessus est paru dans Paroles Protestantes de janvier 2011)

—•o0o•—

En lien avec cet article, lire :
BIBLIA, bible (qui développe la note ci-dessus)
et

 

Les commentaires sont fermés.