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Croyez-vous aux anges ?

Alessandro Botticelli - Mystic Nativity.JPG
——(La nativité mystique, Alessandro BOTTICELLI 1501)
(Une nativité remplie d'anges ! ...)


Dans la Bible, le mot ange, qui à l’origine désigne un messager,
renvoie-t-il à une réalité à laquelle le croyant serait appelé à croire
ou relève-t-il d’un motif littéraire, la comparaison entre Dieu et le roi ?

Traduction et transcription

——En grec angellos signifie “messager”. Quand la Bible fut transmise aux peuples d’Occident, il n’y avait aucune difficulté à traduire ce mot par le latin missus, messager. Mais en choisissant souvent de le transcrire et en transformant l’angellos grec en angelus latin, les traducteurs ont suggéré qu’il existait une autre sorte de messager, un messager céleste : l’ange. Ils ont ainsi introduit dans le texte biblique une nuance inconnue dans les langues d’origine. Ni Moïse, ni Jésus, ni Paul n’avaient utilisé de nom particulier pour désigner les anges autrement que comme des “envoyés” de Dieu. Munis de leur traduction latine, les occidentaux firent donc la différence entre un ange et un messager. Et nous avons commencé à croire aux anges.

——Ce phénomène explique quelques incongruités de traduction. Prenons la rencontre entre Abraham et les trois hommes (Genèse 18,2). Deux d’entre eux poursuivent leur route jusqu’à Sodome où ils parviennent en Genèse 19,1. Or, selon la plupart des traductions, les hommes se transforment alors en “anges”. Avec justesse toutefois la traduction d'André Chouraqui et la Nouvelle Bible Segond parlent de “messagers ”. Ce qui caractérise en effet ces personnages de Genèse 18—19, ce n’est pas leur nature —humaine ou non— mais leur fonction d’envoyés de Dieu.

Renoncer aux anges ?

——Dans l’Ancien Testament, on pourrait renoncer au mot “ange” et traduire systématiquement par "envoyé". Dans plus de la moitié des cas en effet le mot hébreu traduit par "ange" désigne des êtres humains au service d’un chef ou d’un roi (Deutéronome 2,26 ; 1Samuel 11,7…). S’il s’agit d’envoyés de Dieu, c’est avec comme arrière plan une compréhension royale de YHWH (Job 4,18 ou en Psaume 104, 4) notamment dans un contexte apocalyptique (Zacharie 1,9.11.12…). Les envoyés de Dieu se font éclaireurs (Exode 14,19), ou facteurs (Juges 6,11). Ils exécutent des sentences (2Samuel 24,16)… Parfois, mentionner l’“ange de YHWH” évite de donner à penser que Dieu intervient directement dans la réalité des hommes (Genèse 16,7). Mais nulle part il n’est question de ce qui, pour la tradition occidentale, fait la spécificité des anges : les ailes, les auréoles, l’absence de sexualité ou de prise de nourriture.

——Le Nouveau Testament a vu le jour au 1er siècle au sein de la culture hellénistique riche d’apports grecs, mésopotamiens et perses. On croit alors volontiers que des êtres divins parcourent le monde (Jean 5,4 ; 12,29 ; Actes 23,9 ; Colossiens 2,18 et déjà en Daniel 10,10-21). Mais certains, comme les Sadducéens (au 1er siècle, des juifs aristocratiques liés au Temple) récusent cette croyance comme étrangère à leur foi ancestrale (Actes 23,8-9).
——Dans les évangiles, si le mot angellos peut encore parfois désigner un messager humain (Luc 9,52), il est de plus en plus réservé aux envoyés de Dieu et prend même un sens si précis, qu’il n’est quasiment plus possible de le traduire par “messager” (Matthieu 12,25 ; 18,10 ; 24,36 ; Luc 1,26-38 ; 2,8-21 ; Romains 8,38). Pour désigner ce concept, se créé le mot latin angelus. L’ange était né. (lire Luc 2,1-21)

Croire les anges

——Il faut sans doute distinguer entre croire que les anges existent, et mettre sa foi en eux. Lorsque le doigt montre la lune, l’étourdi regarde le doigt. Lorsque l’ange dit l’Évangile, il ne demande pas à ce qu’on croit aux anges. Les traducteurs ont une part de responsabilité dans cette méprise. Certains auteurs bibliques mentionnent des anges. Ils croient peut-être en leur existence. Pourtant ils ne nous proposent pas de croire aux anges mais de croire les anges. Ils nous proposent de porter notre attention sur ce qu’ils disent et non sur ce qu’ils sont, d’apprendre à lire les textes plutôt que de contempler le doigt qui scrupuleusement suit les mots écrits sur le papier.

Jean-Pierre STERNBERGER


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