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TIME, l'honneur

couronne de laurier.jpgC’est donc timè qui est à l’honneur dans cette note ; et celui lui va bien d’être à l’honneur puisque c’est lui : timè, c’est l’honneur.
En français, c’est un mot finalement assez couramment utilisé, dans des emplois très divers.
Mais qu’est-ce que l’honneur ?

Un mot de la Bible par——
Dominique Hernandez ...


L'honneur ...

• Cela va du meilleur au pire, de la récompense d’un tableau d’honneur à ce qu’on appelle peut-être malencontreusement les crimes d’honneur dont sont victimes des femmes et jeunes filles dont la vertu de fidélité conjugale ou de virginité est parfois seulement mise en doute.

• Cela va de la banalité d’une formule convenue : “j’ai l’honneur de vous demander de…”, à la convivialité d’un jeu de cartes où il vaut mieux avoir quelques honneurs dans son jeu.

• Cela va de l’éphémère d’un instant de célébrité, lorsqu’une personne ou une œuvre est mise à l’honneur dans des circonstances définies, à la force d’un sentiment auquel on tient car il atteste de la fidélité aux convictions et à l’éthique personnelles.

Qu’est-ce que l’honneur ?

——- Est-il la reconnaissance des vertus d’une personne, selon ce que la culture ambiante conçoit comme vertus ? Alors les peu vertueux seront dépourvus ou privés d’honneur…

——- Est-il un a priori à porter sur tout un chacun, un peu comme le respect ? Mais l’honneur est plus que le respect ; l’honneur particularise celui qui est honoré au milieu d’un groupe où tous seraient déjà respectés. L’honneur rend remarquable celui qui est honoré, mais celui-ci pourrait alors se laisser aller à s’enorgueillir de l’honneur qui lui est fait : l’orgueil est le risque de l’honneur.

——- D’un autre côté, une personne honorable, dans la compréhension courante, c’est quelqu’un à qui on n’a rien à reprocher selon les critères en vigueur, mais quelqu’un qui ne fait non plus rien de remarquable : il ne serait plus honorable, mais honoré. De même, réussir honorablement à un examen, par exemple, ce n’est pas l’avoir réussi brillamment…

Qu’est-ce c’est honorer quelqu’un (timaô en grec) ?

——C’est lui donner une place particulière, éminente, importante, remarquable.

——En grec classique, timè, c’est d’abord la valeur d’une chose, son prix ;
et honorer, timaô, c’est estimer cette valeur, ce prix. Il y a aussi un sens juridique : évaluer, décider d’un châtiment.

——Ensuite, le mot prend le sens d’honorer une divinité ou une personne, avec un éventail de sens : prendre soin, témoigner de la sollicitude, donner des marques d’estime, tenir en haute considération. De même, en français, estimation va du prix d’une chose à l’estimation d’une récompense ou d’une peine, jusqu’à la reconnaissance de telle ou telle vertu, de tel ou tel mérite.

——D’ailleurs, l’étymologie du mot “honneur” n’est pas timè, mais un autre mot grec : honos qui signifie l’hommage rendu aux dieux après un combat. L’origine du mot est guerrière, masculine, impliquant le courage et l’ardeur, jusqu’à la mort s’il le faut, récompensées par la gloire et éventuellement, la richesse.

——L’honneur se manifeste par des marques particulières : récompense, déférence. Il implique une dimension visible, voire publique, le sentiment porte aux gestes et à la parole, à un comportement spécifique.

Qu’en est-il dans le Nouveau Testament ?

——Et bien il faut d’abord constater que timè et timaô ne sont pas beaucoup représentés.
——Leurs emplois pourrait se répartir de différentes manières. Distinguons l’honneur rendu à Dieu et l’honneur rendu à des personnes.

——Lorsqu’il s’agit de l’honneur rendu à Dieu, il est souvent associé à la gloire et à la puissance. On en trouve des formules dans le livre de l’Apocalypse, le livre de la Révélation, formules très liturgiques comme par exemple la vision de l’adoration des 24 anciens (Apocalypse 4,10-11) :
Les vingt-quatre anciens se prosternaient
devant celui qui siège sur le trône,
ils adoraient le Vivant pour les siècles des siècles
et jetaient leurs couronnes devant le trône en disant :
Tu es digne, Seigneur notre Dieu,
de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance,
car c’est toi qui créas toutes choses ;
tu as voulu qu’elles soient, et elles furent créées !
——La première épître à Timothée rend compte d’expressions semblables, toutes aussi solennelles (1 Timothée 1,17) :
Au roi des siècles,
au Dieu immortel, invisible et unique,
honneur et gloire pour les siècles des siècles Amen.
Ou encore à la fin de l’épître, quand l’auteur exhorte Timothée (6,14-16) :
Garde le commandement en demeurant
sans tache et sans reproche,
jusqu’à la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ,
que fera apparaître aux temps fixés
le bienheureux et unique Souverain,
le Roi des rois et Seigneur des seigneurs,
le seul qui possède l’immortalité,
qui habite une lumière inaccessible,
que nul homme n’a vu ni ne peut voir,
à lui honneur et puissance éternelle. Amen
——L’honneur est un attribut de la seigneurie de Dieu. Dieu comme Roi, Dieu comme Souverain reçoit l’honneur qui lui est dû par ceux qui le reconnaissent et se mettent à son service, particulièrement dans le culte, par la liturgie dont l’étymologie renvoie au service, service rendu à Dieu dans une célébration, un culte. Mais pas seulement.

——L’honneur rendu à Dieu ne se satisfait pas seulement de la célébration, de la liturgie, aussi belles qu’en soient les expressions. Ce sera par exemple, tout l’enjeu d’un récit comme celui du lavement des pieds dans l’évangile selon Jean où le commandement que Jésus donne à ses disciples, commandement souverainement donné par le Seigneur et Maître, consiste en un service à rendre les uns aux autres : faites de même. (Jean 13) On peut rapprocher de cette compréhension de l’honneur à rendre à Dieu d’une controverse qui oppose Jésus aux pharisiens dans l’évangile de Marc (Marc 10,6 et suivants). Les pharisiens reprochent à Jésus le comportement des disciples :
Les pharisiens et les scribes demandent à Jésus :
——«Pourquoi tes disciples ne se conduisent-ils pas
——conformément à la tradition des anciens,
——mais prennent-ils leur repas avec des mains impures ?»
Il leur dit :
——«Esaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites,
——car il est écrit :
——“Ce peuple m’honore des lèvres,
——mais son cœur est loin de moi ;
——c’est en vain qu’ils me rendent un culte
——car les doctrines qu’ils enseignent
——ne sont que préceptes d’hommes.
”»
——Honorer Dieu passe par autre chose que des célébrations, mais par l’obéissance aux commandements de Dieu : le service en actes surpasse le service en paroles

——C’est dans l’évangile de Jean qu’on trouve le plus grand nombre d’occurrences du verbes timaô, honorer, d’abord au chapitre 5 (versets 19 à 25), dans une affirmation de l’unité, de la communion du Père et du Fils :Jésus dit :
«En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu’il voit faire au Père :
car ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement.
C’est que le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait ;
il lui montrera des oeuvres plus grandes encore,
de sorte que vous serez dans l’étonnement.
Comme le Père, en effet relève les morts et les fait vivre,
le Fils aussi, fait vivre qui il veut.
Le Père ne juge personne, il a remis tout jugement au Fils, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père.
Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas non plus le Père qui l’a envoyé.
En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma Parole
et croit en Celui qui m’a envoyé a la vie éternelle ;
il ne passe pas en jugement,
mais il est passé de la mort à la vie.
»
——Cette équivalence du Père et du Fils dans l’honneur était déjà portée dès le prologue de l’évangile dans l’affirmation que le Verbe était Dieu, le Verbe qui s’est fait chair.

——D’une autre manière, l’auteur de l’épître aux Hébreux relit le Psaume 8 en désignant Jésus comme étant celui qu’évoque le psaume (Hébreux 2,5-9) :
L’attestation en fut donnée quelque part en ces termes :
Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui ?
Ou le fils de l’homme pour que tu portes tes regards sur lui ?
Tu l’abaissas quelque peu par rapport aux anges ;
De gloire et d’honneur tu le couronnas ;
Tu mis toutes choses sous ses pieds.
En lui soumettant toutes choses,
il n’a rien laissé qui puisse lui rester insoumis.
Or en fait, nous ne voyons pas encore que tout lui ait été soumis, mais nous faisons une constatation :
celui qui a été abaissé quelque par rapport aux anges,
Jésus, se trouve à cause de la mort qu’il a soufferte, couronné de gloire et d’honneur.
——Là c’est Dieu qui honore Jésus, dans cette épître où le ministère de Jésus est justement appelé liturgie, service.

——Revenons encore à l’évangile de Jean, dans le discours de Jésus précédent le lavement des pieds (Jean 12,26) :
Jésus dit : «Si quelqu’un veut me servir,
qu’il se mette à ma suite,
et là où je suis, là aussi sera mon serviteur.
Si quelqu’un me sert, le Père l’honoreras.
——Et comment le Père honorera-t-il un serviteur du Fils ?
——Le chapitre 13 répond à sa manière car en lavant les pieds de ses disciples, en se faisant serviteur de ses disciples, un service qu’il leur commande de se rendre les uns aux autres, Jésus leur donne part avec lui, avec lui le Fils qui est en communion avec le Père, le Fils en qui est la vie, le Fils qui en s’abaissant les élève, eux, dans le même mouvement, jusqu’à leur donner part avec lui et avec son Père, avec Dieu. Tel est l’honneur fait par le Père et le Fils aux disciples.
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————————(Le lavement des pieds, DUCCIO di Buoninsegna, 1308-11)

——Nous sommes ainsi entrés –et par quelle grande porte !– dans la quête de l’honneur rendu à des personnes. Et nous y trouvons l’autre partie importante des emplois de timè et timaô, une part très très connue, puisqu’il s’agit de la reprise, des reprises dans le Nouveau Testament de la cinquième parole du Décalogue : Honore ton Père et ta mère. Notons toutefois que les citations amputent toujours la fin du commandement qui précise dans Exode 20 :
——…afin que tes jours se prolongent
——sur la terre que l’Eternel ton Dieu te donne.

La version de Deutéronome 5 est encore allongée, voire même enrichie :
——…afin que tes jours se prolongent et que tu sois heureux
——sur la terre que l’Eternel ton Dieu te donne.


——Les trois évangiles synoptiques, ceux de Matthieu, Marc et Luc, mettent en scène des dialogues dans lesquels cette parole est citée. Les trois évangélistes la placent dans la bouche de l’homme riche qui demande à Jésus comment hériter de la vie éternelle. L’obéissance aux commandement divins constitue la première partie de la réponse. (Matthieu 19 ; Marc 10 ; Luc 18)
Marc et Matthieu citent également ce commandement dans un épisode que nous avons déjà évoqué avec l’évangile de Marc : la controverse sur l’obéissance à la tradition des hommes plutôt qu’aux commandement de Dieu. C’est le cinquième que Jésus prend en exemple dans cette dispute théologique contestant les aménagements que la tradition des hommes a mis en place (Marc 7,9-13) :
Jésus leur disait : «Vous repoussez bel et bien le commandement de Dieu pour garder votre tradition.
Car Moïse a dit : “Honore ton père et ta mère”, et encore,
“celui qui maudit père ou mère, qu’il soit puni de mort.”
Mais vous, vous dites :
“Si quelqu’un dit à son père ou à sa mère :
le secours que tu devais recevoir de moi est qorban”,
c’est-à-dire offrande sacrée,
vous lui permettez de ne plus rien faire
pour son père ou pour sa mère.
Vous annulez ainsi la Parole de Dieu
par la tradition que vous transmettez.
Et vous faites beaucoup de choses du même genre.
»” 
——Que signifie “honorer son père et sa mère” ?
——L’exemple que Jésus prend implique ce “prendre soin de” qui est, nous l’avons vu, une des significations de timaô. Ce qui tire honorer vers le sens du service, comme dans l’épisode du lavement des pieds, un service qui élève celui qui en bénéficie, sans que celui qui rende le service soit humilié. Nous nous approchons de là la signification d’honorer en hébreu : “donner du poids”. Donner du poids, même à celui ou celle qui ne semble pas en avoir ; élever, même celui ou celle qui paraît plus bas que terre.

——Honorer : donner de la valeur même à celui ou celle qui ne vaut rien, parce qu’il ou elle, n’a pas de prix.

Dominique HERNANDEZ


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L'article qui précède est le texte de l'émission
“Un mot de la Bible” sur Fréquence Protestante 100.7 FM
du samedi 31 mai 2008.

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