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“AMEN” dans le Nouveau Testament

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Dans une note précédente, nous avons présenté le mot ”aMeN dans la Bible hébraïque, mais que devient ce mot dans le Nouveau Testament ?

Un mot de la Bible,
par Jean-Pierre Sternberger ...

Dans le premier Testament, nous l'avons vu, le mot hébreu ”aMeN constitue la réponse positive et codifiée de celui ou celle à qui une alliance est proposée. C'est un petit mot pour dire “oui” : “Oui je veux”, “je veux faire alliance”, “j'accepte de rentrer en alliance avec cet homme ou cette femme, avec ce peuple ou encore avec ce dieu”.
C'est là le premier sens, celui qui est le plus répandu dans la Bible juive.

Le deuxième sens est plus un emploi qu'un sens :
”aMeN apparaît à la fin de certains écrits et certains livres.
Je l'interprète comme l'expression de la foi de l'auteur ou plus exactement du scribe éditeur du texte qui marque ainsi son adhésion à ce qui est exprimé dans le livre. Au delà de l'accomplissement d'une tâche, il signale au lecteur qu'il y a dans ce livre qui lui est transmis l'expression de sa foi. Il croit en ce qu'il vient de copier. Il participe à l'alliance, au testament dont le livre témoigne. C'est le deuxième usage du mot ”aMeN - un usage assez particulier- qui nous est apparu au cours de la lecture du Premier Testament.
(Lire la note Le mot AMEN,
dans la Bible Hébraïque et la Septante
)

Qu'en est-il maintenant du Nouveau Testament ?
Une première remarque tient à ce que l'usage de mettre le mot amen à la fin d'un écrit est attesté dans certains manuscrits du Nouveau Testament comme il est pour des textes du Premier Testament.
Cela est vrai pour le dernier livre de la Bible, l'Apocalypse de Jean qui se termine par “amen viens Seigneur Jésus” mais aussi en remontant vers les premiers livres pour la lettre de Jude, la deuxième lettre de Pierre, la lettre de Paul aux Galates ainsi que certains manuscrits de la lettre aux Hébreux et des évangiles de Luc et de Jean.

Sous la plume de Paul, le plus ancien écrivain du Nouveau Testament, le mot amen apparaît aussi comme une exclamation liturgique insérée dans le corps même de ses lettres, un peu comme une prière qui vient ponctuer son message. Comme tout juif pieux, Paul ne saurait parler de Dieu sans ajouter quelques mots de prières qu'il ponctue d'un amen. En témoignent ces quelques versets tirés de la lettre aux Romains :
“ ... [les humains] ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen !
———————————————————(Romains 1,25)
... Car je souhaiterais être moi-même anathème,
séparé du Christ, pour mes frères,
les gens de ma parenté selon la chair,
eux qui sont les Israélites, à qui appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses, les pères, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de tout, Dieu béni pour toujours ! Amen !

——————————————————(Romains 9, 3-5)
C'est de lui [Dieu], par lui, et pour lui que sont toutes choses.
A lui la gloire dans tous les siècles ! Amen !

——————————————————(Romains 11, 36)
Ailleurs d'autres prières également ponctuées par “Amen appellent la bénédiction sur les destinataires des lettres de Paul :
Que le Dieu de paix soit avec vous tous ! Amen !
———————————————————(Romains 15,33)
Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ
soit avec vous tous! Amen !

———————————————————(Romains 16,24)
À Dieu, seul sage,
soit la gloire aux siècles des siècles,
par Jésus-Christ ! Amen !

———————————————————(Romains 16,27)
Grâce et paix à vous de la part de Dieu, notre Père,
et du Seigneur Jésus-Christ, qui s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous délivrer du présent monde mauvais, selon la volonté de notre Dieu et Père, à qui soit la gloire à tout jamais !
———————————————————————Amen !

———————————————————(Galates 1,3-5)
Peut-être lisons-nous un peu trop rapidement tous ces amen des lettres de Paul. Ils prennent sens à partir de ce que nous avons dit pour le premier testament. Paul nous renseigne en effet par ailleurs sur l'usage liturgique du amen lors du culte des communautés chrétiennes. C'est dans la première lettre aux Corinthiens :
En effet, si c'est par l'Esprit seulement que tu prononces la bénédiction, comment celui qui est assis parmi les simples auditeurs répondra-t-il
« Amen ! » à ton action de grâces, puisqu'il ne sait pas ce que tu dis ?

———————————————(1 Corinthiens 14,16)
Selon l'usage le plus courant du premier Testament, quand une personne prie à haute voix, quiconque peut s'associer à sa prière en répondant “Amen” (voir aussi Apocalypse 5,14 ; 7,12 ; 19,4).
Cela signifie aussi que, contrairement à ce qui a prévalu par la suite, il semble que les premiers chrétiens comme leurs contemporains juifs ne disaient pas “Amen” à leurs propres prières mais à celle des autres.

De même les scribes n'écrivaient pas ”aMeN au bas de leur propres textes mais pour signifier qu'ils acquiesçaient au contenu de ce qu'ils avaient reçu et venaient de transcrire. Du coup, il m'apparaît que les nombreux amen qui émaillent les lettres de Paul (mais aussi d'autres auteurs du Nouveau Testament : Hébreux 13,21.25 ; 1 Pierre 4,11.5,11 ; Apocalypse 1,6-7) pourraient émaner non de l'auteur lui-même qui vient d'exprimer sa prière mais de son secrétaire à qui il dicte cette prière et qui s'associe à sa louange ou du scribe qui, rencontrant dans le texte qu'il recopie l'expression d'une prière exprime discrètement sa propre foi.

Cet usage du mot amen est donc en pleine continuité avec ceux du Premier Testament.
Ce qui ne l'est pas et qui même constitue une véritable rupture et un cas unique concernant le mot amen, c'est l'emploi de ce mot par Jésus dans les évangiles.

Le mot “amen” dans les évangiles

Jusqu'à présent et d'une manière quasi unanime, nous avons vu que amen renvoie à ce qui précède. Jamais personne ne commence un intervention par Amen. Or très souvent, dans les évangiles, Jésus commence ses phrases voire ses discours par Amen :
Amen, je vous le dis,
tous les péchés seront pardonnés aux fils des hommes ...

———————————————————(Marc 3,28 )
Amen, je vous le dis, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point, qu'ils n'aient vu le royaume de Dieu venir avec puissance.
———————(Marc 9,1//Matthieu 16,28//Luc 9,27)
Ce n'est pas seulement par Amen que Jésus commence son enseignement mais «Amen, je vous le dis ...» ce qu'on traduit aussi parfois par “En vérité je vous le dis ...». C'est vrai dans l'évangile de Marc mais aussi dans celui de Matthieu comme en Matthieu 5,18 :
«Amen, je vous le dis, tant que le ciel et la terre ne passeront pas, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé.»
Quand une même parole se trouve dans les trois synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), il n'est pas rare que seul l'évangile de Matthieu présente la formule “Amen, je vous le dis”. Ailleurs si Matthieu 24,47 a gardé la transcription grecque du mot hébreu ou araméen ”aMeN, le parallèle de Luc propose le mot grec alethos, “vraiment” qui nous donne une indication sur la manière dont Amen était compris par les premiers auditeurs puis lecteurs des évangiles.
——«Amen (‘en vérité’ [alétôs] pour Luc 12,44), je vous le dis ,
——il l'établira sur tous ses biens ...
»
Luc n'ignore pourtant pas le mot Amen qui apparaît à 7 reprises voire 8 si on compte le dernier mot de l'évangile selon certains manuscrits.

En dehors de ce dernier mot ajouté par le copiste, chaque fois que nous trouvons dans un évangile le mot Amen, c'est dans l'expression prononcée par Jésus : “Amen, je vous le dis ...» ou encore, dans le quatrième évangile qui se différencie toujours un peu des trois autres «Amen, amen, je vous le dis ...» comme en Jean 1,51 :
«Amen, amen, je vous le dis :
vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu
monter et descendre sur le fils de l'homme.
»
Or, jamais personne d'autre ne parle ainsi et n'emploie le mot Amen en début de phrase non seulement dans les évangiles, non seulement dans le Nouveau Testament, mais dans la Bible et même, semble-t-il mais je n'ai pas pu vérifier, dans la littérature juive ou chrétienne de l'Antiquité. Du reste, il suffit de rajouter «En vérité, en vérité je vous le dis ...» au début d'une phrase, quelle qu'elle soit pour que celle-ci apparaisse d'emblée comme une citation de Jésus.
——«En vérité je vous le dis,
—————le soleil se lève à l'est et se couche à l'ouest.
»
Cet «Amen, je vous le dis ...» sonne comme la signature de Jésus de Nazareth. Même si aucun texte ne nous rapporte que Jésus ait prononcé une telle parole !

Comment comprendre cette manière de s'exprimer que les évangiles unanimes prêtent à Jésus ?
Je rapprocherai cet usage spécifique du mot “Amen” d'une remarque faite par les auditeurs de Jésus et d'un autre usage tiré de l'évangile de Matthieu.

En Marc 1,27, les auditeurs de Jésus s'étonnent de ce qu'il tient un “enseignement nouveau et empreint de puissance (ou d'autorité)”, ce que Matthieu 7,29 corrobore en soulignant que Jésus enseignait “comme quelqu'un qui possède une puissance (ou une autorité) et non comme leurs scribes.”
Or cette remarque, qui conclut le Sermon sur la montagne en Matthieu, renvoie possiblement à une autre manière pour Jésus d'introduire son enseignement : «Vous avez entendu qu'il a été dit ... mais moi je vous dis ...».

Tout comme son emploi du mot “Amen”, cette introduction dénote par rapport au discours des pharisiens toujours soucieux de se situer dans la continuité de l'enseignement de maîtres plus anciens. D'une certaine façon, même lorsqu'ils proposent une nouvelle réflexion, les pharisiens comme les scribes copieurs de manuscrits ne cessent de dire “Amen” à ce qui les a précédés et se situent dans une lignée.

Jésus cite les enseignements qui l'ont précédé pour s'opposer à eux : « ...mais moi je vous dis ... ». Ailleurs, mais dans le même contexte il introduit ses phrases par : « Amen je vous le dis ... ». Lui seul dit “Amen” à sa propre parole.

Sans nul doute cette particularité du discours de Jésus a marqué les esprits. En témoignent deux versets par lesquels je terminerai mon propos.
Je ne fais que mentionner le premier verset qui se trouve dans un écrit de Paul et qui pose de nombreux problèmes de sens. Je retiens cependant qu'en 2 Corinthiens 1,20 Christ est mis en relation avec “l'Amen pour Dieu”.
Le second est tiré des lettres aux Églises au début de l'Apocalypse de Jean quand le Christ se présente lui-même comme “l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu” (Apocalypse 3,14)
En Christ, Dieu prononce un “Amen” irrévocable à l'alliance et c'est là, non le dernier mot mais le commencement de la création de Dieu. Amen.

Jean-Pierre STERNBERGER

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——(Le mot “Amen” répété à plusieurs reprises sur les dernières portées
——de la partition du Messie de Handel, manuscrit autographe de 1741)

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L'article qui précède est le texte de l'émission
“Un mot de la Bible” sur Fréquence Protestante 100.7 FM
du samedi 19 avril 2008.

Cet article fait suite à une précédente note du même auteur :
Le mot AMEN,
dans la Bible Hébraïque et la Septante

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