--(Philippe et Jacques le Mineur, bréviaire de Martin d'Aragon, XVème s.)
—Confrontant “les Hébreux”(lire la note qui leur est consacrée), les textes du Nouveau Testament nous permettent de connaître l'existence d'un autre groupe composant le christianisme des premières décennies : “les Hellénistes”. Le livre des Actes (6,1s.) nous les présentent explicitement comme en conflit avec “les Hébreux”.
•4• LES HELLÉNISTES
• Ils sont ainsi appelés par les Actes des apôtres (lire Actes 6,1-14), ce sont des chrétiens d'origine juive venant de la diaspora (= la dispersion), et dont les ancêtres juifs ont émigré ou ont été déportés de Palestine depuis longtemps vers les rives de la Méditerranée, la Mésopotamie ou ailleurs. Ils sont de culture et de langue grecques. Si beaucoup ne parlent plus l'araméen, ni ne lisent l'hébreu, ils restent cependant attachés à leurs identité et leur racines juives qu'ils maintiennent notamment à travers la lecture synagogale de la Septante (1). Ils pratiquent aussi la Loi de Moïse (circoncison, sabbat, règles de pureté rituelles), de façon plus souple :
———“Le sabbat a été fait pour l'homme,
———et non l'homme pour le sabbat”
—————————————————————(Marc 2,27)
—Comme beaucoup des juifs de la diaspora, ils viennent à Jérusalem quand ils le peuvent pour participer au pélerinage de la Pâque, ou pour y terminer leur vie.
• Les figures qui les représentent dans le Nouveau Testament sont celles d'Etienne et de Philippe (lire Actes 6—8). Leur histoire, et leur proximité quotidienne avec les païens leur a fait comprendre le message de Jésus de telle sorte qu'ils ne mettent plus l'accent sur le Temple et aux lois rituelles de pureté.
(Etienne prêchant, enluminure du bréviaire de Martin d'Aragon, XVème s.)
• Dans leur enseignement, ils donnent un rôle important aux lois morales (Marc 2,28-34) et non aux questions du pur et de l'impur. Cela provoque avec les judéo-chrétiens du mouvement précédent de nombreux débats qui transparaissent dans les récits de controverse entre Jésus et les pharisiens (et d'autres).
• Les membres de ce mouvement sont plutôt des citadins bourgeois. Ils vont demeurer sédentaires et vivre leur christianisme en s'appliquant à une certaine rigueur morale (Marc 12,28s.). Ils sont à l'origine de la compréhension de la mort de Jésus comme un acte salutaire de Dieu en faveur de l'humanité (Marc 14,24 ; 1 Corinthiens 15,3), "selon les écritures" (Actes 8,32s.).
—Leurs foyers de départ semblent être Antioche (Actes 11,19s.) ou Damas (9,10s.).
Actes 11,26 affirme en tout cas :
———“c'est à Antioche que, pour la première fois,
———le nom de ‘chrétiens’ fut donné aux disciples”
—————(c'est-à-dire aux hellénistes qui avaient
—————fuit Jérusalem à cause de la persécution)
—Ceci signifie que le groupe des hellénistes commence dès lors à être perçu comme un mouvement à part du judaïsme (Lire la note : L'invention du mot "chrétien").
• Le débat tradition et ouverture à la nouveauté
• Ce mouvement des "Hellénistes" et celui des "Hébreux"(lire la note) se sont affrontés sur le point fondamental de la compréhension de “l'événement Jésus”, c'est-à-dire de la définition du christianisme : s'agit-il d'une simple réforme du judaïsme, ou la nouveauté de l'Evangile fait-elle éclater le cadre ethnique et traditionnel du judaïsme pour donner naissance à une réalité nouvelle ? (Marc 2,21-22) Ce conflit d'interprétation porte sur deux points essentiels : la dimension ethnique du judaïsme / l'ouverture aux païens ; et le salut obtenu par l'observance de la loi de Moïse/ salut acquis par la mort de Jésus comprise comme un sacrifice.
Patrice ROLIN