L'habit ne fait pas le roi !
Des rois ? Le texte de Matthieu ne dit rien de tel (lire Matthieu 2,1-12). Cette identification est le fruit de la tradition. Selon La Caverne des païens, un apocryphe syriaque du 6ème siècle, les mages étaient vraiment des rois païens :
“Même s’ils ont été tenus pour des mages à cause de l’habit dont ils étaient revêtus –nous raconte-t-il–, en vérité ils étaient des rois. Mais les Païens avaient l’habitude lorsqu’ils faisaient des sacrifices et présentaient des offrandes à leurs dieux , d’utiliser deux habits, un habit royal en dessous, et un habit de mage par-dessus. ”Venant apporter des offrandes à celui qu’ils avaient reconnus, grâce à la prophétie de Balaam et à l’apparition de l’étoile, comme le Roi des rois, ils avaient donc tout naturellement revêtus leurs deux habits superposés. Voilà pour les rois.
Gaspar, Melchior, Balthasar et Cie
Quant à leur nombre, la tradition héritée des apocryphes n’est pas univoque, le texte de La Vie de Jésus en arabe nous dit :
“certains prétendent qu’ils étaient trois comme les offrandes, d’autres qu’ils étaient douze, fils de rois, d’autres enfin qu’ils étaient dix fils de rois accompagnés d’environ mille deux cents serviteurs.”Le nombre de trois a été déduit en toute logique par le nombre des cadeaux apportés : l’or, l’encens, la myrrhe. Trois cadeaux, trois rois ! C’est finalement cette tradition qui s’est imposée, dommage pour la créativité des santonniers et la joyeuse foule de nos crèches !
Parmi les divers noms proposés pour ces mages : Hormo de Ramhodri, roi de Perse, Azdayr, roi de Saba, et Porsdan, roi de Shaba de l’Orient, selon La Caverne des Trésors (9ème siècle), et Gaspar, Melchon (ou Melchior) et Balthasar, selon l’Evangile arménien de l’enfance (10ème siècle), ce sont ces trois derniers qui ont été retenus. C’est l'iconographie chrétienne qui a fait de Balthazar un Noir, a donné des traits asiatiques à Gaspard, et a représenté Melchior comme un vieillard blanc.
L'or, l'encens, la myrrhe
Pour ce qui est des cadeaux, leur nature suggère que les mages ont reconnu la véritable nature de cet enfant. L’interprétation qui a été faite des dons est très ancienne, elle est déjà attestée par Irénée au 2ème siècle :
“la myrrhe signifiait que c’était lui, qui, pour notre race humaine, mortelle, mourrait et serait enseveli ; l’or, qu’il était le roi dont le règne n’aurait pas de fin ; l’encens enfin, qu’il était le Dieu qui venait de se faire connaître et de se manifester à ceux qui ne le cherchaient point.”
Des apocryphes multiplient les présents, tous plus précieux les uns que les autres, et en provenance des pays d’origine supposés des mages. Cadeaux somptueux de rois à un autre roi.
Quant à la pâtisserie liée à cette fête : galette, fourrée de frangipane ou d’autre chose, ou couronne de brioche ronde, elle semble signifier, avec sa désignation par le hasard, grâce à la fève qui y est insérée, d’un roi ou d’une reine, la rupture avec un certain déterminisme, héréditaire ou institutionnel. Symbole de l’irruption d’une liberté possible dans notre vie.
Rien que la célébration d’une bonne nouvelle en somme !
Marie-Odile MIQUEL-WILSON
(l'article ci-dessus est paru dans
La Voix Protestante de janvier 2008)
Sources :
• supplément Cahiers Evangile N° 113 Les mages et les bergers, Editions du Cerf
• Noël. Traditions, mystère, poésie. Michel Wagner, ed. Empreinte temps présent.