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La Bible ..., quelle Bible ? (suite)

La Bible : Qui l’a écrite, quand, pourquoi ?
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Moïse recevant la Loi au SinaÏ (Chagall)

Cet article poursuit la présentation de la Bible débutée avec
“D’où vient-elle, quand, pourquoi, comment ?”

Une initiation proposée par Jean-Paul Morley

Pour ce qui est du Premier Testament,
—————————————————on ne le sait pas …

Il ne peut exister que des hypothèses, plus ou moins convaincantes et parfois très différentes, qui restent un champ de recherches inépuisable pour les biblistes puisqu’on ne saura jamais. Il existe cependant quelques présomptions. Et ce qui a été dit dans l'article précédent permet de comprendre et d’accepter pourquoi se rencontre souvent un impressionnant décalage entre auteurs officiels, prétendus et réels ; de même qu’entre époque des événements et époque de leur rédaction.

Contentons-nous de trois réponses principales, à choisir chacun en fonction de son arbitrage personnel entre confiance en l’Ecriture et exigence critique.
——— Réponse de la Bible à propos d’elle-même
—————et de ses auteurs ;
——— Théorie qui a dominé la science biblique
—————pendant la majeure partie du 20ème siècle ;
——— Approche actuelle dans les milieux scientifiques.

1. Ce que la bible dit d’elle-même

La Bible désigne elle-même la plupart de ses propres auteurs :
• La Thora, c’est à dire le Pentateuque (les cinq premiers livres : Genèse (création et Patriarches) Exode, et trois livres de lois : Lévitique, Nombres, Deutéronome), aurait été écrite par Moïse (“La loi de Moïse”, ou loi mosaïque), vers le 13ème siècle avant notre ère ;
• Les prophètes auraient été écrits par eux-mêmes ou leur secrétaire, du 8ème au 4ème siècle ;
• Les livres historiques (Juges, Samuel, Rois, Chroniques, Exil, Néhémie) auraient été écrits par des historiens et chroniqueurs royaux, du 11ème au 6ème siècle, puis aux 5ème et 4ème siècles ;
• Les psaumes auraient été écrits par David, et d’autres groupes (les fils de Coré …) entre les 10ème et 6ème siècles ;
• Les Proverbes et l’Ecclésiaste (Qohéleth) auraient été écrits par Salomon, au 10ème siècle ;
• Les autres livres poétiques (Job, Cantiques…) par des poètes ou théologiens ;
• Et bien sûr les Evangiles par les disciples de Jésus, et les épîtres par Paul et d’autres apôtres, l’Apocalypse par Jean, au 1er siècle de notre ère.

Réponse simple, qu’on a le droit de prendre telle quelle, mais qui d’un point de vue historique et linguistique, ne tient pas :

- On imagine mal comment Moïse aurait pu décrire sa propre mort, voire sa propre naissance, et composer tout ce corps de récit et de lois à l’âge de 120 ans, tout en marchant et dirigeant un peuple de 500 000 personnes errant dans un désert ...

- On imagine mal également comment il aurait pu écrire tant de contradictions ou d’anachronismes à quelques pages ou lignes d’intervalles, ni mélanger tant de styles littéraires ou de conceptions théologiques opposées … d’autant moins qu’il était, en principe, de culture et d’écriture égyptiennes !

- On imagine mal enfin, que, en 12 siècles, la langue ait si peu changé dans la Bible, alors qu’en réalité, elle est passée de l’araméen ancien au paléo hébreu, puis à l’hébreu, puis de nouveau à l’araméen, celui de Jésus, et enfin au grec … Comme s’il n’y avait pas de différence entre le français des Lais de Marie de France au douzième siècle, celui de Montaigne ou de Rabelais, puis celui de Racine, de Victor Hugo, de Proust, enfin de Paul Ricoeur ou le verlan des Beurs …

Bref, la lecture de l’ensemble de la Bible au premier degré est évidemment légitime et n’interdit pas d’y entendre une parole de Dieu, mais elle peine à satisfaire ceux qui ont un regard scientifique ou historique critiques …

——Alors, pour ceux-là deuxième réponse.

2. La théorie des Sources, ou théorie documentaire

Elle part d’une hypothèse : la Bible n’a pas été écrite de façon linéaire et chronologique, comme un livre d’histoire croyante, mais elle est un rassemblement et une mise par écrit de traditions différentes, de ‘documents’ :
——• mythes d’origine ;
——• récits légendaires de grands ancêtres, généalogies ;
——• recueil de textes juridiques ou liturgiques ;
——• chroniques administratives, recensements ;
——• transmission de sermons prophétiques ;
——• poésies et sagesses théologiques ;
——• petits romans édifiants ;
——• récits historiques, et descriptions ethnico-politiques …
Cette hypothèse-là n’est plus discutée.

Mais la théorie dite “des Sources” concerne la partie la plus complexe et la moins homogène de la Bible, celle dont l’origine littéraire est la plus énigmatique : l’ensemble des cinq premiers livres, le Pentateuque, ou la Thora.
S’y promener permet de découvrir des textes aux styles et contenus très divers, parfois contradictoires, avec aussi des répétitions, et un détail : Dieu y porte deux noms différents : Elohim et Yahvé, parfois dans le même texte. Pourquoi deux noms ? Serait-ce deux Dieux à l’origine différents ? Deux traditions religieuses ? Concurrentes ou successives ? Les chercheurs ont cherché, et remarqué que certains textes utilisaient davantage, voire exclusivement l’un des deux noms, et d’autres l’autre. Et que, lorsqu’on trouvait des doublons (récit de Noé par exemple), une des deux versions utilisait Elohim et l’autre Yahvé … Que Elohim, proche du “El” cananéen et syrien, qui deviendra Allah, pouvait se rattacher à une tradition plus agricole et cananéenne et du Nord d’Israël, tandis que Yahvé pouvait se rattacher à une tradition plus nomade et venue du Sinaï, celle du Sud et de Jérusalem.
D’où l’idée de sources distinctes, ayant apporté chacune des récits historiques et mythiques qui ont plus tard été réunis, avec plus ou moins de cohérence dans une seule grande histoire.

En examinant de près les textes de la Genèse, de l’Exode et du Pentateuque dans cet esprit, un exégète allemand de la fin du dix-neuvième siècle, Wellhausen, a proposé l’existence de quatre sources :
• Le Yavhiste, qui emploie évidemment surtout le nom de Yahvé
• L’Elohiste, qui emploie essentiellement le nom d’Elohim
• Le Deutéronomiste, plus récent, auteur du Deutéronome
——(ce qui signifie ‘deuxième loi’ en grec)
• Le Sacerdotal, enfin, le plus récent, après l’Exil,
——ayant des préoccupations plus religieuses et liturgiques.

Le Yavhiste serait le plus ancien et, issu de la cour de Salomon, daterait des 10ème ou 9ème siècles, avec des traditions du Royaume du Sud, de Juda et de Jérusalem. Il se caractériserait par de nombreux récits, très vivants et très bien écrits.
L’Elohiste ensuite, écrit vers le 8ème siècle, présenterait des tradition issues du Royaume du Nord, de Samarie, avec un contenu plus théologique et moral.
Le Deutéronomiste, du 7ème siècle, daterait de peu avant l’exil à Babylone (587), lors de la réforme du roi Josias, et représenterait une reprise en main du peuple autour d’une réaffirmation d’un seul Dieu : un peuple, une Loi, une terre, un Temple.
Enfin le Sacerdotal, écrit durant l’exil (vers le sixième siècle) mettrait en ordre, en règles, en rites et en chiffres la tradition religieuse et culturelle, avec un Temple de Jérusalem et son culte devenus mythiquement le centre du monde.

Mais il existe trois grandes objections à cette théorie :
a. Les exégètes n’ont jamais réussi à se mettre d’accord sur l’origine et l’attribution des différents textes aux sources Yahvé ou Elohim : il en résulte une remise en cause de l’hypothèse de deux traditions distinctes et de deux sources réunies ;
b. Historiquement l’hypothèse est fragile, qui attribue les textes les plus anciens au royaume du Sud, qui est le plus récent et le moins développé ;
c. Linguistiquement, cela tient encore plus mal : les textes littérairement les meilleurs, plus clairs, plus aboutis et mieux transmis, les plus proches aussi de l’hébreu récent, seraient les plus anciens …

Ces objections entraînent à regret l’abandon de la théorie des sources depuis une trentaine d’années, même si nombre de théologiens et de vulgarisateurs bibliques, catholiques et évangéliques notamment, continuent de l’enseigner, voire la présentent comme novatrice.

Alors que répondre aujourd'hui ? …

Jean-Paul MORLEY


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C'est le sujet du 3ème et dernier article de cette série :
“Une réponse actuelle, qu’on peut appeler contextuelle ...”

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